octobre 11

Déposer le nom d’une personnalité : une nouvelle mode ?

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Déposer le nom d'une personnalité : une nouvelle mode ?

Avant le dépôt de la marque « BENALLA » par une avocate parisienne en juillet 2018, un particulier avait déjà procédé aux dépôts des marques LAETITIA, JOY et JADE HALLYDAY. Il est étonnant que l’INPI autorise encore ce genre de pratiques, qui s’assimilent à du parasitisme. Peut-on valablement déposer le nom d’une célébrité sans son accord ? Que risque-t-on en cas d’action ?

Principe : pas de dépôt possible au nom des droits de la personnalité

La protection des personnes publiques

Il est parfaitement possible de déposer un nom, un prénom, un pseudonyme ou encore un portrait à titre de marque. Mais, les personnes publiques disposent de droits de la personnalité renforcés, justifiés par leur notoriété. C’est l’article L. 711-3 9° (anciennement art. L. 711-4 g) du Code de la propriété intellectuelle (CPI) qui dispose qu’un signe portant atteinte au droit de la personnalité d’un tiers ne peut être adopté. Par conséquent, il n’est a priori pas possible de déposer le nom d’une personne publique sans son accord préalable. En effet, une telle pratique s’assimile à du parasitisme : l’idée est de profiter indûment de la renommée de la personne concernée, afin de développer sa propre activité. La restriction est également valable pour les personnes disparues : c’est aux héritiers de s’opposer au dépôt du nom.

Limites de la protection des droits de la personnalité

La jurisprudence considère qu’il n’y a atteinte que si le nom est rare ou célèbre et, à condition que la marque reproduise ce nom à l’identique. Lorsqu’une marque reprend le nom d’une personne ne jouissant d’aucune célébrité particulière, celle-ci ne pourra donc pas s’opposer au dépôt. L’INPI considère que la reprise est fortuite. De même, lorsque le nom de famille est courant, il sera plus difficile de prouver le parasitisme. Il semble en effet difficile d’interdire à un homonyme d’utiliser son propre nom à titre de marque.

Et la famille Hallyday dans tout ça ?

La publication des marques litigieuses par l’INPI et l’ouverture de la période d’opposition

En application du principe cité ci-dessus, les marques LAETITIA HALLYDAY, JOY HALLYDAY et JADE HALLYDAY, déposées le 1er avril 2018 (ce n’est pas une blague !) auraient dû être rejetées par l’INPI au moment du dépôt. De même que la marque BENALLA, déposée au milieu de la tourmente médiatique. Mais l’INPI n’effectue qu’un contrôle de forme – et dans le cas présent, n’a pas jugé nécessaire de rejeter cet enregistrement. Les marques ont ainsi été valablement publiées, ouvrant la période d’opposition aux tiers. Laeticia Hallyday a alors mandaté le conseil en propriété industrielle de feu-Johnny pour obtenir de l’INPI un refus d’enregistrement des trois marques. L’opposition a été formée le 20 juin 2018. C’est finalement le 24 septembre 2018 que l’INPI a rendu sa décision, peu favorable à l’ancienne épouse du chanteur.

Une opposition jugée irrecevable par l’INPI

Alors que Jean-Philippe Smet est titulaire de plusieurs marques reprenant son nom de scène, dont la plus ancienne date de 1983, et que la marque David Hallyday a été déposée en mars 2018, il n’existait jusqu’à présent aucune marque reprenant les noms de Laeticia et de ses enfants. Malheureusement, pour agir en opposition, il convient d’être titulaire d’une marque antérieure. Pour former son opposition, le mandataire de Laeticia a donc choisi de se baser sur une des marques JOHNNY HALLYDAY. Toutefois, la succession n’étant toujours pas tranchée, Laeticia ne peut agir en qualité d’héritière du chanteur. L’opposition a donc été formée au nom de Jean-Philippe Smet – alors décédé, comme le relève bien justement l’INPI, en annexant à sa décision un extrait de Wikipedia. Johnny mort, Laeticia n’ayant pas d’intérêt à agir, c’est donc tout naturellement que l’INPI déclare l’opposition irrecevable. Les marques litigieuses sont donc pour le moment toujours valables, bien qu’elles n’aient pas encore été enregistrées. Il aurait été préférable que Laetitia Hallyday présente des observations à l’INPI, faisant valoir ses droits de la personnalité. On pourra espérer que l’INPI prenne conscience du parasitisme lié à ce dépôt et refuse l’enregistrement de ces marques. Si celles-ci venaient à être enregistrées, la famille HALLYDAY ne pourrait agir que devant les tribunaux. Une telle action, qui aurait toutes les chances de gagner au regard des droits de la personnalité, reste toutefois longue et coûteuse.

Déposer les noms de personnalités : une pratique dangereuse

Pour le déposant, un tel dépôt n’est pas sans risque. Les marques qu’il va déposer, en violation des droits d’un tiers, pourront en premier lieu être refusées par l’INPI. Dans ce cas, les taxes ne seront pas remboursées. Mais le déposant risque également d’être confronté à une procédure d’opposition. S’il n’est pas obligatoire de se faire représenter dans une telle procédure, il peut être opportun de faire appel à un mandataire professionnel – cela représente également des coûts. Enfin, le déposant encourt une action en justice devant le TGI. Une telle action est très coûteuse. De plus, les juges pourront prononcer la nullité de la marque. Et s’ils considèrent qu’il y a un préjudice moral pour le porteur du nom, le déposant sera condamné au paiement de dommages et intérêts. Dans l’affaire qui nous occupe, le déposant est un récidiviste : il a déjà déposé la marque EDDY MITCHELL, en violation des droits du chanteur. Il est fort à parier que les juges souhaiteront faire un exemple en sanctionnant fortement ce déposant de mauvaise foi. Article mis à jour le 19/04/2022

Tags

conflit, dépôt de marque, dépôt frauduleux, INPI, Laetitia Hallyday


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