La territorialité en droit des marques
Principe : une marque n’est valable que sur un seul territoire
Une marque = un pays
A la différence des autres droits de propriété intellectuelle, le droit des marques ne produit aucun effet extraterritorial : une marque française ne sera protégée que sur le territoire français. Elle ne peut être opposée à un concurrent qui utiliserait le même nom à l’étranger. Comme antériorité, elle n’est valable qu’en France.
De plus, chaque Office va examiner la demande de marque selon ses propres règles. L’enregistrement d’une marque dans un Etat n’a aucune incidence sur les autres Offices. Votre marque pourra ainsi être rejetée en Angleterre, sans que vous puissiez argumenter en présentant l’acte d’enregistrement français.
Le cas particulier des marques régionales
Il est possible de déposer sa marque dans un ensemble de pays. Cela permet de bénéficier d’un titre unique valable dans un territoire plus large. L’avantage réside dans leur prix : une marque régionale coûte beaucoup moins cher qu’un dépôt dans chacun des pays couverts.
C’est le cas de la marque de l’Union Européenne, qui permet d’obtenir une protection dans tous les Etats membres (28 pays). Il n’est pas possible de choisir les pays dans lesquels la marque prendra effet : elle est valable pour l’ensemble de l’UE.
On peut également citer la marque de l’OAPI, qui est déposée auprès de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle. Cette marque est valable dans les 17 pays africains membres de ce système (Benin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo).
Conséquences de la territorialité sur la vie de la marque :
La disponibilité s’apprécie pour chaque pays
Les recherches d’antériorité que vous devez effectuer avant le dépôt doivent également respecter ce principe de territorialité. Vous devez faire les recherches pays par pays. Il est donc possible que le nom que vous avez retenu soit disponible en France mais pas en Espagne.
Il arrive ainsi qu’un même produit soit vendu sous des marques différentes selon les pays. S’il y a parfois des raisons marketing derrière ce changement de nom, le principe de territorialité est parfois responsable. C’est le cas de Burger King en Australie. Le nom étant déjà utilisé par une chaîne de fast-food locale, le géant américain a été obligé d’opter pour un autre nom dans ce pays : Hungry Jack’s.
Pas de limitations territoriales lors de la cession de marque
Si vous décidez de céder votre marque française, soyez prudent : on ne peut pas spécifier de limitations territoriales (art. L.714-1 al. 1 CPI). Ainsi, une marque ne peut pas être cédée uniquement pour une région ou un département. Il en va de même pour la marque de l’Union Européenne, dont la cession n’est possible que pour l’ensemble du territoire de l’UE : il est interdit de céder la marque seulement pour un ou plusieurs Etat(s) membre(s).
Pour pouvoir conférer à un tiers des droits d’exploitation de votre marque avec des limitations territoriales, vous pouvez conclure une licence de marque. Le licencié pourra exploiter la marque sur une partie seulement du territoire de dépôt.
Exceptions : certains noms ne sont jamais disponibles
Les marques notoires bénéficient d’une protection étendue
Compte tenu du principe de territorialité, le titulaire d’une marque française ne peut s’opposer à un dépôt réalisé en Italie, s’il ne dispose pas d’une marque dans ce pays. Mais, si sa marque est notoirement connue (c’est-à-dire qu’elle est connue par une large fraction du public), il peut faire valoir ses droits à l’étranger. Evidemment, les juges sont très exigeants dans l’appréciation du caractère notoire.
Le dépôt frauduleux peut être sanctionné
En cas de fraude, le principe de territorialité ne s’applique plus. C’est notamment le cas lorsqu’il y a usurpation. Par exemple, lorsqu’un tiers devance un titulaire de marque sur un autre territoire. La marque de bière « Corona Extra » allait arriver sur le marché français. Un tiers a déposé la marque en France, en vue de la revendre au véritable exploitant le moment venu. Les offices peuvent sanctionner de telles pratiques.