Haribo, Lindt, Nestlé ou l’overdose de marques parmi les confiseurs
On nous l’a souvent répété : l’abus de sucres est mauvais pour la santé. Pourtant, les confiseries continuent de se vendre, à grand renfort de publicités gourmandes. Si les fabricants de bonbons et autres biscuits investissent beaucoup dans la publicité, ils n’oublient pas non plus de protéger leurs produits. Le droit des marques leur permet notamment de se défendre contre des imitations et contrefaçons. Mais les conflits entre confiseurs sont nombreux, notamment sur
la question de la distinctivité des marques. En effet, peut-on si facilement s’approprier une forme ?
L’utilisation détournée de la propriété industrielle par les confiseurs
Par rapport aux autres droits de propriété industrielle, la marque présente un énorme avantage : elle ne connaît pas de limitation temporelle. En étant utilisée et renouvelée, elle bénéficie d'une protection illimitée.
A l’inverse, les dessins et modèles offrent une exclusivité limitée à 25 ans. De même, une invention couverte par un brevet ne sera protégée que 20 ans. Par conséquent, de nombreux déposants contournent ces limitations temporelles en déposant des marques alors que les autres droits de propriété intellectuelle sont plus adaptés à leurs produits. C’est le cas de Glico, qui a opté pour un
dépôt de marque pour protéger le bâtonnet Mikado, alors même que le modèle – qui protège les formes 3D – était plus approprié. De nombreux confiseurs ont choisi cette voie pour protéger leurs créations.
Toutefois, si ces détournements sont prévus par la loi (la forme ou l’emballage d’un produit, peuvent constituer des marques), les juges se montrent de plus en plus exigeants avec les déposants. En effet, il convient d’éviter de conférer des monopoles trop larges, qui entraveraient la libre-concurrence.
L’exigence renforcée des juges par rapport aux marques des chocolatiers
Le lapin en chocolat n’est pas distinctif
L’affaire Lindt est bien connue des juristes en droit des marques. En effet, le confiseur avait fait une demande de marque pour protéger la forme du lapin en chocolat, ce qui lui était en théorie permis par le droit européen. Mais l’office européen de la propriété intellectuelle avait refusé d’enregistrer la marque : pour l’examinateur, le « Lapin Or » n’avait pas un caractère distinctif.
C’est en 2012, après un contentieux de 12 ans, que les juges européens ont finalement tranché. Pour eux, le simple fait d’affubler d’un ruban rouge un lapin en chocolat ne permet pas de le rendre distinctif.
Le concurrent allemand de Lindt, la société Riegelein, a donc le droit de commercialiser un lapin chocolaté enrobé dans du papier doré, sans qu'il y ait contrefaçon.
Haribo v. Lindt : la guerre des oursons
Les
oursons en gélatine Haribo (« L’ours d’or » ou « Goldbären » en allemand) sont protégés par une marque verbale depuis 1967 en Allemagne. Ces petits bonbons sont extrêmement populaires outre-Rhin, où ils constituent la marque phare du confiseur.
C’est pour cette raison que, lorsqu'en 2010 Lindt commercialise un nounours enrobé dans un papier doré, Haribo voit rouge. Le confiseur attaque le chocolatier en justice, invoquant la notoriété de sa marque Goldbären. Comme les produits sont très différents (chocolat v. bonbon), les juges rendent des décisions très variées. Pour les uns, il y a risque de confusion. Pour les autres, la marque Goldbären a un caractère générique.
En 2015, la cour fédérale allemande (plus haute juridiction du pays) donne raison au chocolatier. Elle affirme : « la vente par Lindt de figurines en chocolat ayant une forme d’ours emballées dans un papier doré avec un ruban rouge ne représente pas une atteinte ni à la marque "L’ours d’or" de Haribo ni une imitation illicite des produits gélifiés. »
L’affaire Kit Kat pas encore tranchée
En 2018, la guerre des confiseurs continue toujours.
Depuis 2002, Nestlé se bat pour enregistrer la marque européenne suivante :
La question de la distinctivité de la marque est au cœur du débat. D’autant plus que Mondelez commercialise des biscuits concurrents, qui ont la même forme comme Leo de Milka.
Pour les juges, la marque Kit Kat consiste « en une forme d’une simplicité excessive et dont aucun élément distinctif ne permettait aux consommateurs des produits en cause d’en distinguer l’origine commerciale ». Elle n'a donc pas de caractère distinctif. Nestlé n’a pas encore baissé les bras. Le chocolatier suisse tente de faire valoir une distinctivité acquise par l’usage.
Les juges sont de plus en plus exigeants avec les confiseurs. Ceux-ci doivent se battre pour leurs marques. Pour éviter l’indigestion, laissez de côté chocolats et autres bonbons, et relisez
notre article sur la marque à la pomme !
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