janvier 23

Bien défendre les noms et marques des collectivités territoriales

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Bien défendre les noms et marques des collectivités territoriales

 

Utiliser un nom de ville comme marque : possible mais sous certaines limites

Il est possible d’utiliser un nom géographique dans une marque. Nombreuses sont d’ailleurs les marques qui utilisent le nom d’une ville, que ce soit comme nom principal (les cosmétiques Vichy) ou comme indication d’origine (Lanvin – Paris). Toutefois, les collectivités territoriales ont depuis quelques années le droit de protéger leur nom et de s’opposer à une exploitation commerciale injustifiée, qu’elles soient ou non titulaires d’une marque. Ce droit est fondé sur l’article L. 711-4 (h) du Code la Propriété Intellectuelle (CPI) : « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : […] au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale. » En outre, La loi Hamon (n° 2014-344) du 17 mars 2014 a créé un droit d’alerte au bénéfice des collectivités territoriales. Celles-ci peuvent demander à l’INPI de les informer de tout dépôt de marque incluant leur nom. Elles peuvent ainsi s’opposer aux dépôts gênants, en utilisant une procédure habituellement réservée aux titulaires de marques antérieures. Bien que de nombreuses collectivités territoriales ont fait le choix de déposer leur nom comme marque, et ne voient par conséquence pas l’utilité de l’article L. 711-4 (h) CPI, celui-ci présente certains avantages. La Commune de Paris invoque d’ailleurs très souvent cet article.  

La Commune de Paris dans la défense active du nom « PARIS »

Lorsqu’elle s’oppose à des dépôts de marques utilisant le terme « PARIS », la Commune de Paris se fonde en général sur une de ses nombreuses marques. Elle est en effet titulaire de 78 marques comportant ce nom. Mais elle invoque également très fréquemment l’article L. 711-4 (h) CPI. En effet, la Commune de Paris explique que « la protection dont jouissent les collectivités territoriales sur leur nom […] repose sur un fondement différent de celui qui assure la protection d'une marque. » Selon elle, cette protection correspond, pour les villes, à la protection du nom patronymique dont dispose les personnes physiques. Le directeur général de l’INPI ne partage pas cette analyse. Il estime que « l’article L. 711-4 (h) du code de la propriété intellectuelle n’a pas pour objet d'interdire aux tiers, de manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale. » Pour lui, cette protection doit être réservée aux cas où le dépôt entraîne une atteinte aux intérêts publics. Et dans ce cas-là, il appartiendrait à la collectivité territoriale d’établir que ce dépôt « entraîne un risque de confusion avec ses propres attributions ou est de nature à lui porter préjudice ou à porter préjudice à ses administrés ». L’étendue de cette protection n’a pas encore été totalement fixée. Mais dans deux affaires récentes, la Commune de Paris a obtenu gain de cause, au moins partiellement, face aux marques « #PARIS » et « XXIE CONSERVATOIRE - CONSERVATOIRE POUR ADULTES DE PARIS » grâce à l’article L. 711-4 (h).  

Des villes sanctionnées pour n’avoir pas utilisé l’article L. 711-4 (h) CPI

Tout comme Paris, la Commune de Saint-Tropez a enregistré plusieurs marques afin de protéger son nom. Et elle n’hésite pas à attaquer en contrefaçon tous dépôts jugés trop proches. Elle s’est ainsi opposée au dépôt de la marque MARIN DE ST-TROPEZ. Lors de la comparaison des signes, l’INPI a estimé que cette marque ne constituait pas l’imitation de la marque SAINT-TROPEZ. La Commune a alors fait valoir une atteinte à sa renommée. L’INPI a rejeté cet argument au motif que « si la collectivité estime que le dépôt litigieux porte atteinte à son nom, son image ou à sa renommée, il lui appartenait de former une opposition sur le fondement de l’article L. 711-4 h) du code de la propriété intellectuelle. » De plus, l’article L. 711-4 (h) CPI présente l’avantage de pouvoir défendre le nom de la collectivité territoriale, sans avoir à risquer la déchéance pour non-usage de la marque invoquée. C’est la sanction qui a été subie par la ville de Megève, dans une affaire qui l’opposait au maroquinier LE TANNEUR. Megève avait invoqué la contrefaçon de sa marque homonyme après avoir relevé une gamme de sacs nommée MEGEVE. LE TANNEUR s’était défendu, et avait mis en cause la marque MEGEVE pour non-usage pour les sacs. Le TGI avait suivi le raisonnement du maroquinier, et prononcé la déchéance partielle de la marque.   Par conséquent, nous recommandons aux villes de ne pas négliger l’article L. 711-4 (h) CPI lors de leurs oppositions. Et surtout, de ne pas hésiter à se faire accompagner par un conseil spécialisé.

Tags

art. L. 711-4, collectivité territoriale, déchéance, nom géographique, Paris, Saint-Tropez, ville


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