L’épopée judiciaire de Mikado
Depuis de nombreuses années LU défend ses marques, et en particulier les fameux bâtonnets enrobés de chocolat, les Mikado. LU surveille ainsi les imitations, mais aussi les dépôts de marques faits par ses concurrents. Les résultats ne sont pour autant pas toujours favorables au groupe Mondelez, titulaire des marques Mikado. Retour sur plusieurs affaires fortes en chocolat.
Mikado : une longue histoire franco-japonaise
Mikado fête cette année ses 35 ans. C’est en 1983 que le groupe japonais Glico, qui commercialise les Pocky au Japon, décide de s’implanter en Europe. Pour adapter ses produits au marché européen, Glico forme une alliance avec LU. Le succès du bâtonnet enrobé de chocolat est immédiat. LU a d’ailleurs énormément investi dans ce produit, et a innové en diversifiant l’offre. Le stick au chocolat au lait est devenu le préféré des Français.
Aujourd’hui, plus de 3 milliards de Mikado sont fabriqués chaque année en France. La réussite des bâtonnets chocolatés est telle que le groupe Danone n’a eu aucune difficulté à trouver un repreneur en 2012. En effet, souhaitant se séparer de sa branche biscuits, Danone a revendu Mikado au groupe américain Mondelez-Kraft Foods.
Il est intéressant de noter que le repreneur défend autant la marque Mikado que l’ancien propriétaire.
La défense de la marque tridimensionnelle Mikado
En 2006, une chaîne de supermarchés hard-discount, Le Mutant, commercialise une imitation de Mikado. La pratique est connue, et elle se règle en général à l’amiable entre les industriels et les distributeurs. Mais LU, souhaitant sans doute faire un exemple et dissuadé d’autres atteintes, a attaqué Le Mutant en justice.
LU a fait valoir l’existence d’une marque tridimensionnelle (qui à la différence du brevet offre une protection sans limite dans le temps) sur le stick chocolaté. Cette marque, portant sur un biscuit en forme de bâtonnet recouvert de chocolat à l’exception de l’un de ses embouts, devait garantir à LU une exclusivité. C’est ce qu’a reconnu le tribunal de grande instance de Strasbourg en novembre 2006, en donnant raison à LU et en condamnant Le Mutant pour contrefaçon de marque.
Grâce à cette décision, Mikado a bénéficié d’une protection renforcée par rapport à d’autres biscuits ne disposant pas d’une forme aussi distinctive. Pendant plus de 10 ans, le groupe Mondelez a bénéficié des retombées de cette décision favorable. Mais en 2018, retournement de situation : la Cour d’appel de Paris refuse de condamner un autre concurrent.
Les limites de la protection : Mikado n’a pas le monopole du bâtonnet chocolaté
En 2016, le groupe Mondelez attaque la société De Bekeulaer, qui commercialise les biscuits ChocOlé, pour contrefaçon de marques et parasitisme. En effet, la société allemande a déposé deux marques semi-figuratives, représentant les boites de bâtonnets torsadés recouverts de chocolat.
Mikado: une marque distinctive…
Mondelez estime que ces biscuits sont une imitation des bâtonnets Mikado et demande la nullité des marques ChocOlé. La défenderesse invoque, à titre reconventionnel, la nullité des marques Mikado pour absence de distinctivité. Pour elle, le nappage de chocolat du biscuit a un caractère exclusivement fonctionnel « puisqu’il permet d’éviter de se salir les mains lorsqu’on appréhende le biscuit. »
Le 20 octobre 2016, le TGI de Paris rejette les arguments des deux parties. Mondelez fait donc appel du jugement. Le 9 mars 2018, la Cour d’appel de Paris estime que la forme du Mikado était arbitraire au jour du dépôt, et de ce fait distinctive. Les juges affirment que les formes usuelles des biscuits sont en général circulaires, carrées ou rectangulaires.
Le Mikado, par sa forme distinctive, remplit bien sa fonction de marque.
…mais pas suffisante pour interdire les Chocolé
En revanche, la Cour ne reconnait pas de contrefaçon ou de parasitisme. Selon elle, la confusion entre les marques ne serait pas avérée. Les deux marques auraient des présentations différentes : les bâtonnets de LU évoqueraient le jeu du Mikado, alors que les paquets de biscuits ChocOlé présentent des biscuits torsadés par paires dans un mouvement tournant marqué par une spirale. De même, les paquets ChocOlé s’ouvrent par le milieu, et présentent les biscuits comme des crayons dans une boîte, alors que Mikado a opté pour une ouverture type « paquet de cigarettes ».
La Cour d’appel a justifié sa décision en évoquant plusieurs différences entre les biscuits. Mais cet arrêt sonne la fin du monopole de Mikado, qui va devoir accepter la commercialisation de produits concurrents proches.
Pour éviter que vos marques ne deviennent « la petite faiblesse qui vous perdra », vous pouvez consulter notre guide des marques.