Actualité de la propriété industrielle : décisions récentes en matière de marques
La marque FACK JU GÖTHE acceptée pour l’enregistrement
En juin 2018, nous vous avions annoncé que le tribunal de l’Union européenne (TUE) avait
rejeté la marque FACK JU GÖTHE, jugée trop vulgaire. Le tribunal avait suivi le raisonnement de l’Office européen des marques (EUIPO). Le producteur avait alors formé un dernier recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Cette dernière lui a donné raison. En effet, dans son
arrêt du 27 février 2020 (C-240/18), elle considère que l’EUIPO n’a pas pris en compte le contexte social concret et actuel. Elle reproche à l’office d’avoir procédé à un examen in abstracto de la marque FACK JU GÖTHE. En premier lieu, la Cour donne une définition des bonnes mœurs. Il s'agit de « valeurs et normes morales fondamentales auxquelles une société adhère à un moment donné ». Une marque jugée de « mauvais goût » ne devrait donc pas être rejetée pour atteinte aux bonnes mœurs.
La CJUE a également rappelé que FACK JU GÖTHE était avant tout le titre d’une série de films à succès outre-Rhin. Comme l'indiquait le demandeur: aucune controverse n'avait été suscitée par les titres, lors de la sortie des films. La Cour rappelle en outre que l’institut culturel allemand (Goethe Institut) a utilisé ces films à des fins pédagogiques.
En acceptant d’enregistrer la marque FACK JU GÖTHE, la Cour rappelle enfin l’importance de la liberté d’expression.
La marque CANNABIS STORE AMSTERDAM contraire à l’ordre public
En décembre 2016, l’Office européen des marques (EUIPO) recevait la demande de marque suivante :
Cette marque vise des produits alimentaires, des boissons et des services de restauration.
L’EUIPO et sa chambre de recours, avaient rejeté cette demande de marque, jugée comme contraire à l’ordre public. La chambre de recours avait en particulier justifié sa décision par le fait que le consommateur sera poussé à percevoir cette marque (et le mot « Cannabis ») comme faisant référence à la substance stupéfiante, illicite dans de nombreux pays de l’UE. Cette perception serait renforcée en raison de la conjonction de la feuille de cannabis (« symbole médiatique de la marijuana ») et du mot Amsterdam (qui renvoie « au fait que la ville d’Amsterdam comprend de nombreux points de vente de ce stupéfiant »).
Le demandeur reprochait notamment à la Chambre de recours de ne pas faire de distinction entre les substances composant le cannabis (CBD/THC). Selon lui, le cannabis n'est pas illégal en tant que tel. Seul le THC est illicite. Le CBD est quant à lui autorisé dans la plupart des Etats membres de l'UE.
Le 12 décembre dernier, le Tribunal de l’Union Européenne (TUE) a confirmé la décision de la Chambre de recours. Pour les juges, la marque CANNABIS STORE AMSTERDAM est susceptible d’affecter un intérêt public fondamental. En effet, la Cour considère que dans les États membres où la consommation de stupéfiants issus du cannabis est interdite, la lutte contre cette substance poursuit un objectif de santé publique. En laissant entendre que les produits et services visés contiennent des substances illicites, le signe constitue donc une atteinte à l’ordre public.
Il arrive fréquemment que des marques « CANNABIS » soient refusées à l’enregistrement. Pour en savoir plus,
lisez notre article.
La marque HUMAN jugée descriptive par l’INPI
En avril 2019, l’INPI avait refusé d’enregistrer la marque HUMAN pour désigner des services bancaires et immobiliers.
La Cour d’appel de Bordeaux a récemment confirmé la décision de l’INPI. Pour les juges, le signe HUMAN désigne une caractéristique essentielle des services offerts, puisque « le déposant place l’humanisation de la relation avec le client au premier rang de ses priorités ».
La marque n’étant pas suffisamment distinctive, elle ne peut être enregistrée.
(CA Bordeaux, 1re ch. civ., 7 janv. 2020, HBS Immobilier SAS c. directeur général de lʼINPI)
Si vous ne savez pas si votre marque est distinctive: contactez-nous!
Rejet de la marque LES REPUBLICAINS en raison de la présence du drapeau français
En 2014, l'INPI recevait la demande de marque suivante :
L'Office avait rejeté cette demande de marque, car le signe était « composé notamment de la représentation graphique de trois bandes rectangulaires verticales accolées de couleur bleue, blanc et rouge » et constituait une « imitation du drapeau français ». En effet, l
’article 6ter de la Convention d’Union de Paris interdit de déposer une marque reprenant un drapeau ou un emblème d’Etat.
L’association politique s’est défendue. Selon elle, le signe présente en premier plan un R stylisé. Le drapeau tricolore ne serait pas immédiatement identifiable par le consommateur. Mais la Cour d’Appel de Paris a rejeté ce recours. Pour les juges: « le public ne peut qu’être incité à percevoir ce signe comme comprenant un élément représentant les principales caractéristiques de l’emblème national et en constituant ainsi une imitation. »
(CA Paris, pôle 5, 2e ch., 10 janv. 2020, Les républicains (Association) c. directeur général de l’INPI)
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