Pourquoi faut-il choisir une marque distinctive ?
Dans une affaire récente, opposant la société de déménagement Ariase à la société Picard Déménagement, le TGI de Rennes a jugé que l’absence de distinctivité des marques et noms de domaine en cause permettait d’exclure toute faute. Le tribunal a débouté la société Ariase de ses demandes en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale. En effet, la marque « Les Artisans Déménageurs » et le nom de domaine lesartisansdemenageurs.com n’étaient pas suffisamment distinctifs pour être opposés à Picard Déménagement, qui exploitait le site internet artisans-demenageurs.com.
1. La distinctivité comme condition de validité du dépôt
Une marque ne doit être ni générique ni descriptive. En effet, l’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) précise que le signe choisi doit être arbitraire. C’est-à-dire qu’il ne peut pas être « la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ». La marque ne doit pas non plus « servir à désigner une caractéristique » du produit ou du service visé.
Cette condition de distinctivité s’explique par le fait que la dénomination usuelle des produits ou services doit rester à la disposition de tous. La marque doit servir à identifier les produits ou services d’une entreprise, pas à bloquer un marché.
Une fois la marque déposée, l’INPI peut ainsi refuser de l’enregistrer, au motif que celle-ci est descriptive. Ainsi, les marques « Ticket Restaurant », « Banquette-lit » ou « Beurre tendre » ont été rejetées par l’INPI. En effet, ces marques portaient sur des termes jugés nécessaires pour désigner les produits en question.
Dans l’affaire des « Artisans Déménageurs », la marque avait pourtant été valablement enregistrée. Les juges ne se sont pas prononcés sur la validité de la marque. En effet, le nouveau titulaire (la société Ariase) n’avait pas procédé à l’inscription du changement auprès de l’INPI. Ariase n’avait pas pu prouver être la propriétaire de la marque en question.
2. Une marque non-distinctive ne protège pas efficacement
Les marques faiblement distinctives ne bénéficient que d’une protection limitée. En effet, la marque descriptive encourt le risque d’une action en annulation devant le juge. Si le TGI déclare la marque non-distinctive, celle-ci sera annulée. Elle ne pourra par définition être défendue lors d’une action en contrefaçon.
Le titulaire d’une marque faiblement distinctive (comme les marques « Tour de France », « Ultra Doux » ou « Un amour de fromage »), aura du mal à prouver la contrefaçon. Les juges auront tendance à considérer que des différences minimes suffisent à écarter le risque de confusion.
Dans l’affaire des « Artisans Déménageurs », le TGI de Rennes a ainsi jugé que « l’absence totale de distinctivité des termes utilisés pour les noms de domaine ainsi que les différences d’apparence, excluent qu’il puisse y avoir le moindre risque de confusion. » Pourtant les noms de domaine lesartisansdemenageurs.com et artisans-demenageurs.com présentaient de nombreuses similarités. Mais l’utilisation de termes très usités dans le secteur rendaient ces sites totalement descriptifs.
Conclusion
Dans sa décision du 1er octobre 2018, le TGI de Rennes a finalement rappelé que les termes nécessaires ou utiles à la désignation ou à la description des produits, services ou activités proposés, appartiennent au domaine public. Ces termes « doivent rester à la disposition de tous si bien que nul ne peut être considéré comme fautif de les avoir utilisés. »
Ariase Déménagement aurait dû inscrire la cession de la marque sur l’acte de l’INPI afin de pouvoir l’invoquer devant le TGI. Mais cela n’aurait pas changé la décision des juges. En effet, faute de distinctivité, la marque Artisans Déménageurs était quasiment indéfendable.
Pour tout savoir sur les erreurs à éviter avant de déposer sa marque, consultez notre guide.