La photo d’identité d’un mannequin est une marque valable pour l’EUIPO
L’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) s’est prononcé sur la validité d’une marque figurative, constituée uniquement par la photo du visage d’une femme.
La photographie du visage de Maartje Verhoef, une top-model néerlandaise, a fait l’objet d’un dépôt de marque de l’Union Européenne le 14 octobre 2015. Cette demande s’est d’abord soldée par un rejet.
La Chambre de recours de l’EUIPO a par la suite admis qu’il s’agissait d’une marque valable. Retour sur ce signe et son parcours.
Un visage est une marque descriptive pour l’examinateur de l’EUIPO
En 2015, l’examinateur de l’EUIPO refuse le dépôt de la marque de l’Union Européenne n°014679351 pour des produits et services relevant de 10 classes. La particularité de cette marque ? Elle se compose d’une photo d’identité de Maartje Verhoef.
Cette mannequin originaire de Veldhoven aux Pays-Bas est une mannequin très demandée dans la mode. Elle est notamment l’égérie de Prada et d’H&M.
L’examinateur considère que :
- La demande de marque ne possède pas de caractéristique particulière influençant la mémoire des consommateurs et leur permettant de distinguer les produits et services visés par rapport à ceux des concurrents. Le signe constitue donc uniquement une photo présentant des produits et services. Par ailleurs, cette représentation ne se distingue pas des autres visages féminins, étant une simple déclinaison ;
- Pour le public, ce visuel n’est que le portrait d’une jeune femme et pas nécessairement celui de Maartje Verhoef. Il y a donc un amalgame ;
- La marque décrit directement la destination des produits et services, en d’autres termes : la clientèle féminine ;
- Le signe vise la classe 44, dont les services de mannequinat, ce que représente la photo du modèle Maartje Verhoef. Il n’exerce donc pas la fonction essentielle de la marque et n’est pas distinctif.
Cette décision de rejet pour descriptivité a cependant fait l’objet d’un recours.
La Chambre de recours de l’EUIPO estime qu’un visage constitue un signe distinctif
Le 16 novembre 2017, la Chambre de recours a invalidé la décision de rejet rendue par l’examinateur. Elle estime en effet que :
- Le dépôt de marque représente un visage de femme réaliste « en couleurs ordinaires » et sur un fond neutre permettant aux consommateurs d’identifier l’origine commerciale des produits et services désignés et en particulier ceux provenant de Maartje Verhoef. La « représentation réaliste» de ce mannequin se distingue par ailleurs de l’apparence des produits visés ;
- La marque n’est pas descriptive. La photo représente celle d’un individu unique sous la forme d’une photo d’identité. De la même façon qu’un nom ou un prénom, « la représentation du visage d’une personne sous la forme d’une photo d’identité permet d’identifier cette personne et donc de la distinguer des autres » ;
- Un visage féminin ou masculin au regard des produits et/ou services visés n’indique pas au consommateur le genre du public concerné. La Chambre de recours avance ainsi que le visage d’Antonio Banderas habille des parfums pour les femmes et les hommes ;
- Le signe est donc « susceptible de remplir la fonction essentielle d’une marque, à savoir la distinction entre les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé de ceux dont l’origine est différente. »
Ce faisant, la Chambre a annulé la décision de l’examinateur. La marque sera par conséquent prochainement enregistrée.
Cette décision a attiré l’attention sur les marques formées par des visages de personnes, et plusieurs offices ont reçu des demandes d’enregistrement similaires. Pourquoi un tel attrait? On peut y voir une tentative de protection du droit à l’image via le droit des marques. Les cyniques parleront d’une monétarisation des atouts physiques.
Quoi qu’il en soit: cette mannequin bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance renforcée dans le secteur juridique!