février 8

La Ville de Paris et la marque Scootlib

0  comments

La Ville de Paris et la marque Scootlib

 

Le 12 décembre 2018, la Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond dans l’affaire Scootlib. Pour les juges, le dépôt de la marque SCOOTLIB par la société Olky International en 2007 n’est pas frauduleux et ne constitue pas une contrefaçon des droits de la Ville de Paris. Cette dernière n’obtient pas l’annulation de la marque litigieuse et perd le droit d’exploiter sa marque SCOOTLIB’ PARIS.

 

Les débuts de l’affaire Scootlib

En juillet 2007, la Ville de Paris mettait en place un service de mise à disposition de bicyclettes en libre-service dénommé Velib’. Avant le lancement du projet, la Ville avait déposé une marque ainsi que plusieurs noms de domaine reprenant le terme « Velib ». Quelques années plus tard, la Ville de Paris lançait le service Autolib’. Elle avait pris la précaution de déposer la marque correspondante dès 2008. Après les vélos et les voitures électriques, ce fut le tour des scooters. Lors du dépôt de sa marque SCOOTLIB’ PARIS fin 2011, la Ville découvrit l’existence d’une marque SCOOTLIB, déposée en 2007 par la société Olky International. Cette marque désigne différents produits et services en classes 12, 36 et 39, dont les « véhicules, véhicules électriques, cycles ».

Se prévalant de ses droits sur les marques VELIB’ et AUTOLIB’, enregistrées en 2008 et 2012, la Ville de Paris réclame l’annulation de la marque SCOOTLIB. Selon elle, cette marque a été enregistrée en fraude de ses droits, et son exploitation constitue une contrefaçon de la marque SCOOTLIB’PARIS. Elle fait également valoir l’atteinte à une marque de renommée, ainsi que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme.

 

Pas de fraude dans le dépôt de la marque SCOOTLIB

Le 26 mai 2017, la Cour d’appel de Paris rejette les demandes de la Ville. Pour elle, le dépôt n’est pas frauduleux, car il n’a pas été effectué dans l’intention de priver la Ville de Paris d’un signe nécessaire à son activité. En effet, pour caractériser la fraude, il faut établir la mauvaise foi du déposant. Les juges du fond ont estimé que « la déclinaison naturelle de la marque » ne constituait pas un élément suffisant pour établir la mauvaise foi de la société Olky International. En effet, en 2007, au moment du dépôt de la marque SCOOTLIB’ la Ville de Paris n’exploitait que la marque VELIB’. Rien n’indiquait son intention de déployer d’autres services de transport.

La Cour de cassation confirme le raisonnement des juges du fond. Elle rappelle en premier lieu que « la fraude ne suppose pas la justification de droits antérieurs sur le signe litigieux mais la preuve d’intérêts sciemment méconnus par le déposant ». En l’espèce, la fraude n’est pas caractérisée. En effet, la société Olky International n’avait pas pu être informée d’un projet « Scootlib’ » lors du dépôt de la marque litigieuse, puisqu’il n’y avait eu aucune évocation publique de la Ville de Paris avant 2008. Enfin, le fait que « la communication faite autour du Vélib’ révélait une volonté politique de désengorger Paris de ses véhicules à moteur » ne pouvait laisser présager les déclinaisons futures (Autolib’ et Scootlib’).

 

Pas de nullité de la marque SCOOTLIB en raison d’une tolérance de la Ville de Paris

La Cour d’appel de Paris a également rejeté les demandes en annulation et en contrefaçon de la Ville de Paris. En effet, ces demandes sont irrecevables si la marque litigieuse a été déposée de bonne foi et que le titulaire du droit antérieur en a toléré l’usage pendant 5 ans (art. L. 714-3 et L. 716-5 CPI). Pour les juges, la Ville de Paris ne pouvait méconnaître l’exploitation publique de la marque SCOOTLIB. Le fait de n’avoir pas agi avant d’avoir déposé sa propre marque SCOOTLIB’ PARIS pouvait s’apparenter à un acte de tolérance.

Après avoir débouté la Ville de Paris de toutes ses demandes, la Cour d’appel a prononcé la nullité de la marque SCOOTLIB’ PARIS. Les juges ont également condamné la Ville au paiement de dommages-intérêts pour atteintes portées à la marque SCOOTLIB. La solution peut paraître sévère. Cependant, si la Ville de Paris avait eu un projet sérieux de développer un service Scootlib’, elle aurait pu agir dès 2007, en formant opposition contre ce dépôt, ou pendant les 5 années suivantes. L’absence d’action justifie selon nous la décision de la Cour d’appel.

 

Cette affaire montre l’importance de surveiller ses marques, et de défendre ses droits en temps et en heure.

 


Tags

abus, annulation, Autolib, conflit, fraude, Paris, Scootlib, Vélib


You may also like