La déchéance pour dégénérescence
Aux côtés de l’action en déchéance pour défaut d’usage se trouve la déchéance pour dégénérescence : il s’agit d’une des possibilités offertes au tiers pour faire disparaître une marque après son enregistrement.
Qu’est-ce que la dégénérescence d’une marque ?
Introduite par la loi du 4 janvier 1991, la déchéance pour dégénérescence du droit de marque s’apparente à une vulgarisation du signe ou du nom de la marque. Victime de son succès, sa notoriété est alors telle qu’elle devient un mot d’usage courant, utilisé sans distinction par le public pour désigner le produit ou service qu’elle couvre.
Les exemples les plus parlant sont forcément les plus connus : Frigidaire, Thermos, Texto ou encore Fermeture éclair, sont autant de marques touchées par la dégénérescence à force d’être utilisées dans le langage courant. Or la fonction première d’une marque consiste à informer le consommateur sur son origine, fonction qui n’est alors pas assumée dans ces hypothèses. C’est pourquoi le Code de la propriété intellectuelle a introduit l’action dans son article L714-6, lequel dispose que :
« Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait :
a) La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ».
Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que la déchéance soit prononcée par le juge :
- La marque doit être devenue la désignation usuelle du produit qu’elle vise.
- Elle doit l’être « de son fait ». La plupart du temps, une marque devient usuelle par l’utilisation qu’en fait le public, et non du fait du titulaire. C’est donc la passivité du titulaire qui doit pouvoir être mise en cause, en d’autres termes si ce dernier n’a rien fait pour empêcher sa marque d’être frappée de dégénérescence.
Heureusement pour les titulaires d’une marque, la déchéance pour dégénérescence n’est pas automatique et une action en justice doit obligatoirement être intentée par un tiers intéressé. En revanche si la déchéance est effectivement prononcée suite à une attaque, les conséquences sont pour le moins radicales : tout droit sur la marque sera perdu pour le titulaire. Plus concrètement, cela signifie qu’il ne pourra plus la défendre dans le cas où un tiers l’utiliserait, mais aussi que toute communication autour de ladite marque profiterait à tous les acteurs présents sur le même marché.
Comment lutter contre la dégénérescence d’une marque ?
La passivité du titulaire est une condition au même titre que le fait pour une marque de devenir un nom usuel, et c’est pourquoi des mesures doivent être prises tout au long de la vie d’une marque afin d’éviter sa dégénérescence.
- En indiquant clairement et systématiquement que la marque est effectivement enregistrée, par exemple en apposant la mention TM ou ®, lesquelles n’ont aucune valeur juridique mais une forte valeur symbolique aux yeux du public. Ces mentions peuvent s’accompagner d’indication mentionnant l’existence de la marque et l’identité du titulaire, apposées sur tous les éléments véhiculant la marque (packagings ou tout support de communication).
- En menant des campagnes de sensibilisation, durant lesquelles le titulaire d’une marque énonce clairement qu’il ne s’agit pas d’un nom commun.
- En ne tolérant aucune utilisation faite par des tiers de sa propre marque, par exemple en formulant des actions en contrefaçon ou en concurrence déloyale dès que le cas se présente.
- Si malgré tout une marque se retrouve dans le dictionnaire des noms communs, il est impératif de faire préciser qu’il s’agit bien d’une marque déposée.