Depuis plus de 70 ans, les 3 bandes d’Adidas constituent un outil marketing très important pour le célèbre équipementier sportif. La société a d’ailleurs déposé plusieurs marques incorporant les 3 bandes dans le monde entier. Adidas surveille et défend activement ses marques (opposition, action en contrefaçon, action en concurrence déloyale…).
Nous revenons aujourd’hui sur une affaire qui a opposé Adidas au designer américain Thom Browne. La société considérait que la présence de 4 bandes parallèles sur les vêtements commercialisés par le créateur était constitutive d’actes de contrefaçon de ses droits de propriété intellectuelle.
Après plusieurs années de tensions entre la marque allemande et le designer, Adidas a finalement saisi le tribunal fédéral de New-York pour demander la condamnation de Thom Browne. Le 12 janvier 2023, le jury a rendu sa décision.
Défense des 3 bandes : la bataille judiciaire d’Adidas contre Thom Browne
L’action en contrefaçon : une solution de dernier recours
Les procès en contrefaçon sont généralement assez rares. La plupart des affaires de ce type se règlent en dehors des tribunaux, en particulier aux Etats-Unis où les coûts de procédure et ceux résultant d’une condamnation sont extrêmement élevés, bien plus qu’en France.
C’est d’autant plus vrai lorsque les adversaires n’ont pas les mêmes moyens. Quand Adidas agit contre une petite société, avec des moyens limités et un stock faible, l’adversaire est fortement incité à négocier une solution amiable. Il arrive régulièrement que l’accord permette de liquider le stock restant et comprenne un engagement de ne pas vendre de produits similaires à l’avenir.
En l’espèce, Adidas et Thom Browne avaient recherché un compromis au cours d’un processus de médiation. Aucun accord n’ayant été trouvé, Adidas a amené l’affaire au tribunal. Thom Browne n’a pas cédé, et la suite lui a donné raison.
Thom Browne attaqué en contrefaçon des 3 bandes parallèles
La marque Thom Browne, du nom de son créateur, fait partie du groupe italien de luxe Zegna. Un certain nombre de vêtements de la marque revêtent plusieurs bandes parallèles. En 2007, Adidas s’était déjà opposé à l’utilisation d’un motif à 3 bandes sur les vêtements de la marque. Thom Browne l’avait alors remplacé par un motif à quatre bandes.
Le conflit entre les 2 marques ne s’est toutefois pas arrêté là. Au cours de l’été 2021, Adidas a porté plainte à l’encontre de Thom Browne pour contrefaçon de marque et dilution, lui reprochant de vendre « des vêtements et des chaussures de style athlétique comportant deux, trois ou quatre bandes parallèles » d’une manière qui est confusément similaire à la marque à trois bandes d’Adidas. Apparemment, l’élément déclencheur a été l’apposition par Thom Browne des bandes sur des produits « streetwear », qui constituent le cœur de l’activité d’Adidas. Pour le vendeur de vêtements sportifs allemand, il existait un risque de confusion pour le consommateur moyen.
Le procès opposant l’équipementier sportif à la maison de mode a débuté le 3 janvier 2023. Selon la presse spécialisée, Adidas souhaitait obtenir au moins 7,8 millions de dollars de dommages-intérêts. L’entreprise allemande avait également requis une ordonnance du tribunal interdisant à Thom Browne d’utiliser des bandes parallèles sur ses produits.
“Adidas does not own stripes” : les arguments invoqués par Thom Browne
L’avocat de Thom Browne a insisté sur le fait qu’Adidas ne disposait pas d’un monopole sur les bandes parallèles, qui sont des motifs courants pour les vêtements. Il a aussi fait valoir qu’il n’existait aucun risque de confusion entre les produits des deux sociétés dans la mesure où elles ne s’adressent pas à la même clientèle, les produits Thom Browne étant des produits de luxe, conçus par un designer reconnu et vendus à des prix très élevés. Enfin, l’avocat a indiqué qu’Adidas avait connaissance de sa ligne de produits à bandes et l’a tolérée pendant de nombreuses années sans réagir.
Les arguments invoqués semblent avoir convaincu les jurés, puisque le tribunal a statué en faveur de Thom Browne. Le jury, composé de 8 personnes, a rendu son verdict le 12 janvier : pour les jurés, les motifs à rayures parallèles de la marque Thom Browne n’étaient pas susceptibles de créer une confusion avec les produits Adidas. Le designer peut donc continuer à utiliser les quatre bandes pour ses créations.
La défense par Adidas des 3 bandes
Adidas est connue pour sa stratégie offensive à l’égard de marques utilisant des bandes sur des vêtements et chaussures.
Adidas : très active dans la défense de ses droits
Adidas s’est forgé la réputation de saisir toutes les occasions de faire valoir ses droits de propriété intellectuelle. Selon le quotidien américain The Oregonian, Adidas a déposé au moins 325 dossiers en contrefaçon aux Etats-Unis. La société aurait également conclu au moins 200 accords transactionnels depuis 2008.
Par exemple, Adidas a plusieurs fois poursuivi la marque de chaussures Skechers au cours des 20 dernières années, généralement à cause de l’utilisation du logo à 3 bandes. En 2018, Adidas avait d’ailleurs obtenu gain de cause. Les juges ont retenu que la chaussure Stan Smith d’Adidas avait “un succès commercial énorme et une reconnaissance du marché” et que Skechers avait délibérément trompé les clients en dirigeant des recherches “adidas Stan Smith” vers son site.
En mars 2017, Adidas avait aussi attaqué la chaîne de prêt-à-porter Forever 21 en contrefaçon, dilution de son image et concurrence déloyale, à cause de modèles de vêtements avec des bandes parallèles sur les épaules et les manches. Cette affaire s’est finalement réglée à l’amiable, sans que les termes de l’accord ne soient connus.
La protection aléatoire des 3 bandes Adidas
Mais, dans d’autres affaires récentes, Adidas n’a pas eu gain de cause. L’affaire Thom Browne en est une illustration.
La marque à 3 bandes peine parfois à faire condamner pour contrefaçon les acteurs du textile apposant des bandes parallèles sur leurs produits. En France, Adidas a ainsi agi, sans succès, à l’encontre des marques de mode Sandro et Isabelle Marant, qui avaient commercialisé des pantalons, vestes et shorts à deux bandes (CA Paris, Pôle 5, Chambre 1, 2 novembre 2022, n°20/18680, affaire Adidas / Sandro).
La notoriété d’Adidas n’est donc pas suffisante pour justifier un monopole sur l’apposition de bandes sur des vêtements, notamment en présence de vêtements non sportifs.
En résumé, il est difficile de défendre un signe très simple, comme 3 bandes parallèles. Cette protection reste fragile, même pour une marque bénéficiant d’une renommée comme Adidas. En effet, il est difficile de démontrer une atteinte lors d’un litige.
Il est donc préférable de déposer des signes complexes, dont la reprise pourra justifier une action.
Toute notre équipe est à votre disposition si vous avez des questions sur le droit des marques ou la contrefaçon, ainsi que pour vous accompagner dans le cadre d’un dépôt ou de la mise en place d’une surveillance de marque.