Il existe plusieurs façons de faire disparaître une marque contre le gré de son propriétaire. Outre l’action en nullité, il existe l’action en déchéance, qui peut être demandée pour deux raisons : la dégénérescence (objet de cette fiche) et l’absence d’usage.
Qu’est-ce que la dégénérescence ?
La marque est dégénérée lorsqu’elle est victime de son succès, c’est à dire qu’elle devient un nom commun pour désigner les produits ou services qu’elle visait au départ :
Les exemples les plus connus sont les marques frigidaire et piña colada qui sont devenues des noms communs respectivement de réfrigérateur et de cocktail.
D’un point de vue juridique, la pire chose qui puisse arriver à une marque est de finir dans le dictionnaire des noms communs, car cela signifie qu’on associe officiellement cette marque à une définition.
Exemple du Larousse pour la définition du terme Caddie, bien qu’il y ait une mention “marque déposée” au début de la définition afin d’échapper à la dégénérescence : “petit chariot métallique utilisé par les clients des magasins en libre-service ou les voyageurs dans les gares et les aéroports”.
Quelles sont les conséquences de la dégénérescence ?
Bien que tout titulaire de marque souhaite atteindre un jour une telle renommée, il faut absolument éviter que la marque soit dégénérée. Pourquoi?
parce que si une personne intéressée agit en déchéance pour dégénérescence,le droit sur la marque sera perdu ;
en conséquence, toute la valeur attachée à la marque en tant qu’actif immatériel sera perdue. Or une marque très connue vaut très cher, mais une marque trop connue qui devient dégénérée ne vaut plus rien ;
par ailleurs, d’autres pourront utiliser votre marque sans crainte d’action en contrefaçon de votre part : vous ne pourrez plus défendre ce nom ;
le public n’associera plus cette marque aux produits ou services de votre société, et vos actions de communication seront dès lors susceptibles de profiter à l’ensemble des acteurs de votre marché.
Comment éviter la dégénérescence de votre marque ?
Les solutions simples de prévention :
si vous vendez des produits, précisez sur le packaging que la marque est enregistrée, en mentionnant le nom complet du titulaire ;
indiquez sur votre site internet, par exemple dans le footer (bas de page) ou sur vos mentions légales, que la marque est enregistrée, en mentionnant le nom complet du titulaire ;
quand vous faites référence à votre marque dans votre communication, pensez à mettre une majuscule pour marquer son importance ;
vous pouvez même ajouter un ™ ou un Ⓡ juste après votre marque : même si ces symboles n’ont aucune valeur légale en France (ce sont des signes anglo-saxons), ils sont connus du grand public et permettent de mettre en valeur votre marque comme un droit propre à votre société ;
évitez absolument de commettre des actes qui vont dans le sens de la dégénérescence, en utilisant vous-même votre marque comme un nom commun. Par exemple, si vous déposez la marque BABLO pour des crayons de couleur, évitez d’en parler en disant “avec un bablo, vos dessins seront plus faciles…”. Dites toujours “avec un crayon Bablo, vos dessins seront plus faciles”. Le terme générique est crayon, et la marque protégée est Bablo ;
globalement, évitez d’utiliser un article comme “le” ou “un” devant votre marque.
Les solutions pour combattre un risque de dégénérescence :
de manière générale, ne laissez passer aucun usage de tiers tendant à la dégénérescence de votre marque ;
surveillez l’usage de votre marque sur internet et dans les médias : demandez systématiquement une modification ou un erratum si vous constatez qu’on utilise votre marque comme nom commun désignant un produit ou un service. Surtout, conservez des copies de vos lettres et mises en demeure afin de prouver vos interventions ;
en cas d’usage de votre marque comme nom commun par un concurrent,demandez-lui de cesser cet usage et en cas de refus attaquez-le en contrefaçon et/ou concurrence déloyale : c’est votre inaction qui sera sanctionnée par la dégénérescence si vous ne tentez pas d’empêcher les tiers d’utiliser votre marque comme un nom commun ;
si votre marque entre dans le dictionnaire, faites comme la société Caddie etfaites préciser qu’il s’agit d’une marque déposée, ça limitera un peu l’impact de ce facheux évènement.
La déchéance est-elle automatique ?
Non, et heureusement ! La déchéance doit être demandée en justice par un tiers intéressé, c’est à dire qui a une bonne raison d’agir dans ce sens. Elle est prononcée par le juge si la dégénérescence est avérée, et si le défendeur ne peut pas démontrer qu’il l’a combattue avec tous les moyens nécessaires. C’est pour cela qu’il faut impérativement construire en amont un dossier solide comportant toutes les copies de lettres, réclamations, mises en demeures et éventuelles assignations, voire décisions de justice favorables dont vous disposez afin de prouver que vous vous battez contre la dégénérescence de votre marque.
Si vous n’avez jamais tenté d’empêcher un usage important de votre marque comme nom commun, la déchéance pour dégénérescence risque fort d’être prononcée.