Crise au royaume du burger : qu’est-il arrivé à la marque BIG MAC ?

Depuis quelques jours, McDonald’s fait la une des médias, suite à une décision de l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO). En effet, ce dernier a révoqué la marque européenne BIG MAC, enregistrée depuis 1996 pour des sandwichs et des services de restauration. Si certains journaux ont choisi de traiter cette nouvelle sous un aspect dramatique (Nice Matin : « vous ne pourrez (peut-être) plus jamais manger de Big Mac chez Mac Donald’s »), la réalité est bien moins palpitante.

L’origine de l’affaire BIG MAC

Supermac est une chaîne irlandaise de restaurants de restauration rapide, lancée en 1978 par Pat McDonagh, et qui compte aujourd’hui une centaine d’enseignes. Le nom Supermac correspond originellement au surnom du fondateur, qui s’était illustré comme footballeur dans les années 1960. En 2014, Pat McDonagh, qui souhaitait étendre son activité hors de l’Irlande, a déposé une demande de marque européenne pour Supermac. McDonald’s s’est alors opposé à ce dépôt, en citant son nom ainsi que les noms de nombreux produits « Mc » (McFlurry, McNuggets, McMuffin).

L’affaire s’est très vite concentrée sur la similitude entre Supermac et Big Mac. En effet, Big Mac est la seule marque McDonald’s qui utilise Mac à la place de Mc. (Rappelons que Mac est un préfixe commun dans les noms de famille irlandais et écossais. Ce préfixe qui signifie  » fils de « , est souvent abrégé en Mc).

À l’époque, l’EUIPO avait estimé que le fait que les deux « Mac » se trouvaient après un qualificatif similaire – Super et Big – pouvait entraîner un risque de confusion. En réponse, Supermac a fait valoir que McDonald’s ne détenait pas véritablement de droits sur la marque BIG MAC.

La révocation de la marque BIG MAC par l’EUIPO

Le Big Mac est un burger mythique, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, comme le montrait Quentin Tarantino dans son film Pulp Fiction, dans lequel Vince (Travolta) explique à Jules (Samuel L. Jackson), la nomenclature des hamburgers en France, où – grâce au système métrique – un « Quarter Pounder est appelé un Royal With Cheese » mais « un Big Mac est un Big Mac ».

Mais ce caractère mythique n’a pas suffi pour sauver la marque de McDonald’s. En effet, une fois enregistrée, une marque doit être utilisée. Quand ses droits sont contestés, le titulaire doit prouver l’usage sérieux de sa marque pendant les cinq dernières années. Dans l’affaire BIG MAC, McDonald’s avait déposé la marque en 1996 pour des « sandwichs » et des « services fournis ou liés à l’exploitation et à la franchise de restaurants ». Comme il n’existe aucun restaurant nommé « Big Mac », la déchéance était encourue pour les services de restauration. Toutefois, l’EUIPO a également estimé le 11 janvier dernier que la marque n’était pas exploitée pour des sandwichs.

Cette décision est assez surprenante, puisque l’on trouve des Big Mac dans chaque restaurant McDonald’s. Mais les documents apportés à l’EUIPO par les avocats de McDonald’s n’ont pas suffi à prouver cet usage. Ces documents comprenaient notamment une page Wikipedia relatant l’histoire du Big Mac. L’Office a précisé que « les entrées de Wikipédia ne peuvent pas être considérées comme une source d’information fiable. »

La révocation de la marque BIG MAC apparaît donc comme une sanction d’un excès de confiance de McDonald’s.

Les conséquences pratiques de la révocation de la marque BIG MAC

Pat McDonagh a salué la décision de l’EUIPO. Pour lui, il s’agit d’une victoire de David contre Goliath. En effet, une petite entreprise familiale a obtenu gain de cause face à une multinationale. En pratique, cette victoire reste limitée.

McDonald’s va très probablement faire appel de la décision, ce qui aura un effet suspensif sur la décision de l’EUIPO. Lors de la procédure d’appel, la chaîne de fast-food devrait présenter des pièces plus solides. McDonald’s devrait donc sans difficulté prouver son utilisation de la marque Big Mac pour des sandwichs. La révocation sera sans doute limitée aux services de restauration.

En outre, pressentant une issue délicate, McDonald’s avait redéposé la marque BIG MAC en 2017 dans les deux classes d’origine (sandwichs et restaurants). Ce nouveau dépôt ne pourra pas faire l’objet d’une action en déchéance jusqu’en 2022.

Enfin, le Brexit pourrait compliquer encore plus les choses. Si la Grande-Bretagne quitte l’Union européenne sans accord commercial, l’EUIPO perdra toute compétence dans le pays. Il est cependant possible que d’ici-là, les parties décident de mettre fin au conflit avec un règlement amiable.