« Obélix au Danemark » ou la condamnation d’un café thématique
Le 1er octobre dernier, la Haute Cour danoise a mis fin à un litige qui opposait un café de Copenhague aux éditions Albert René. Pour les juges, le « café Obélix » a bien violé des droits d’auteur ainsi que des marques appartenant à l’éditeur de la bande-dessinée. Cette condamnation peut sembler tardive car le café existe depuis le début des années 1990. Mais les juges ont estimé que l’action de l’éditeur n’était pas forclose, en retenant notamment l’atteinte au droit moral d’Uderzo.
Le café Obélix ou la limite floue entre contrefaçon et admiration
Le litige ne portait pas uniquement sur le nom du café mais également sur la décoration du café, fortement inspirée de l’univers de la bande-dessinée. Ainsi les murs du café affichaient des dessins fait maison d’Astérix, Obélix, Idéfix… On y trouvait également de nombreux cadres, comportant des dessins issus des bandes-dessinées d’Uderzo et Goscinny. Le propriétaire était même allé jusqu’à reprendre la typographie développée par Albert Uderzo dans « Astérix » pour l’enseigne de son café.
Tous ces efforts montrent la grande admiration que portait le propriétaire du bar au personnage d’Obélix. Mais cet argument n’a pas été pris en compte par les juges danois. Ils ont surtout vu dans cette décoration thématique une atteinte aux droits d’auteur et aux marques d’Albert René. La Cour est allée jusqu’à retenir la mauvaise foi du propriétaire du café Obélix. Selon elle, celui-ci « ne pouvait ignorer qu’il existait un titulaire de droits en ce qui concerne le nom et les illustrations d’Obélix. »
Les marques « Obélix » au-delà de la déchéance et de la forclusion
La bande-dessinée Astérix est publiée au Danemark depuis 1969. Les premières marques danoises protégeant le personnage et le nom d’Obélix datent de 1981 et 1985. Albert René est également titulaire de plusieurs marques européennes « Obélix », qui visent notamment des services de la classe 43.
Pas de non-usage pour le secteur de la restauration
L’avocat du café Obélix a tenté de faire valoir le non-usage de ces marques pour les services de restauration. Mais les juges ont estimé que les marques étaient bien exploitées, notamment à travers l’existence de restaurants dans le Parc Astérix. En outre, l’éditeur a fourni un contrat de licence passé avec un restaurant danois, au titre duquel celui-ci pouvait utiliser les noms des personnages de l’univers d’Astérix. Le restaurant avait ainsi proposé un menu pour enfants sur le thème de la bande-dessinée.
Pas de passivité de la part de l’éditeur
Les juges ont noté que le café Obélix était connu dans la région de Copenhague. Il avait même fait l’objet d’une publicité importante au niveau national. Mais l’absence d’action antérieur d’Albert René ne constituait pas un comportement passif, susceptible de justifier une forclusion de l’action. Pour la cour, la surveillance active des marques Obélix sur le marché français montrait la détermination de l’éditeur à défendre ses droits.
Atteinte aux droits d’auteur et au droit moral d’Uderzo
Pour finir, les juges ont considéré que l’utilisation des personnages fictifs issus de l’univers d‘Astérix constituait une contrefaçon des droits d’Uderzo et Goscinny. Ils ont d’ailleurs retenu une atteinte au droit moral du dessinateur. En effet, certaines illustrations du café plaçaient les personnages dans des situations compromettantes (consommation d’alcool, actes sexuels…).
Il semblerait que le caractère indécent de l’atteinte ait joué un rôle important pour les juges. Ceux-ci se sont montrés plus indulgents envers l’inaction prolongée d’Albert René. En effet, la Cour estime que l’éditeur n’aurait jamais toléré une telle utilisation d’Obélix, d’Astérix et de tous les autres gaulois de la bande-dessinée. Le café a donc dû changer de nom dans un premier temps, et a depuis lors définitivement fermé ses portes.
Avant de donner de la potion magique à vos marques, pensez à consulter un conseil spécialisé.