L’Union européenne et les marques immorales
Nous avions déjà évoqué l’annulation de la marque LA MAFIA SE SIENTA A LA MESA en mars dernier par le tribunal de l’Union européenne, qui estimait que cette marque était contraire à l’ordre public. Les cas de marques rejetées en raison de leur immoralité sont assez rares et ne semblent pas toujours très logiques. En effet, en 2018, la marque CURVE-O a été rejetée pour vulgarité, alors même que la marque FUCKING HELL a pu être enregistrée. Retour sur ces deux affaires et la pratique de l’EUIPO face aux marques immorales.
L’appréciation de l’immoralité par l’EUIPO
L’Office des marques de l’Union européenne peut refuser l’enregistrement d’une marque si celle-ci est contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Ce motif absolu de refus est prévu à l’article 7 (1) du règlement sur la marque communautaire. C’est en application de cet article que l’EUIPO a refusé l’enregistrement de près de 40 marques en 2017. On note d’ailleurs que l’Office se montre de plus en plus exigeant en terme d’immoralité. En 2009, moins de 10 marques avaient été rejetées car immorales.
Ainsi, les déposants actuels doivent être attentifs à ce que leur marque soit conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs, sous peine de voir celle-ci annulée ou rejetée.
La marque CURVE-O rejetée pour cause de vulgarité
Fin 2016, l’EUIPO reçoit une demande européenne pour une marque tridimensionnelle représentant un peigne courbe. Sur le peigne, on lit « CURVE-O », le nom de la marque. La société homonyme, basée en Belgique, est spécialisée dans les produits de coiffure (brosses, peignes, accessoires pour cheveux).
L’EUIPO a rejeté la demande de marque, au motif que le mot CURVE signifie « putain » en roumain, et que de ce fait la marque présentait un caractère vulgaire. L’Office n’a pas pris en compte le fait que ce terme n’est pas injurieux dans les autres langues européennes. En outre, compte tenu de la forme du peigne présenté dans la demande de marque, il était clair que c’était la signification anglaise (« courbe ») qui était visée par la demande de marque.
Le titulaire a donc formé appel devant l’EUIPO, appel qui a été rejetée en mars 2018.
FUCKING HELL enregistrée pour des bières allemandes
Il aura fallu plus de 3 ans pour obtenir le certificat d’enregistrement de la marque FUCKING HELL. Celle-ci avait en effet été rejetée par l’EUIPO lors de son examen. La cause du rejet apparaît évidente, encore plus que dans l’affaire de la marque FACK JU GÖTHE. Mais cette fois, lors de l’appel, les déposants ont présenté des arguments qui ont su convaincre les juges.
La marque FUCKING HELL désignant notamment de la bière, les titulaires ont fait valoir que celle-ci était originaire du village Fucking, en Autriche.
Quant au terme HELL, il ne désignerait pas ici l’enfer, mais bien plus le type de bière (la « hell » était une bière blonde dans les pays germanophones). Le nom de la marque signifierait donc « la bière blonde de Fucking, en Autriche ». Les juges ont accepté cette argumentation et ont donc conclu que la marque n’était pas immorale.
Ainsi, il est aujourd’hui difficile de prévoir quelles marques sont immorales. Su vous optez pour un nom un peu « limite », prévoyez donc des arguments justifiant l’origine de ce nom, et ce même s’ils vous semblent un peu tirés par les cheveux. Enfin, il convient de rappeler que le contrôle de la moralité de la marque est plus exigeant au niveau européen (qui peut étendre le contrôle à toutes les langues de l’Union européenne) qu’au niveau national. Quoi qu’il en soit, n’hésitez pas à contacter notre équipe pour tout problème concernant votre dépôt de marque.