juin 11

Affaire The Rich Prada : les limites de la renommée

0  comments

Affaire The Rich Prada : les limites de la renommée

 

Avec une décision rendue le 5 juin 2018, la Cour de Justice de l’Union européenne met fin à une procédure entamée 7 ans plus tôt. Les juges estiment que la marque Prada, bien que présentant un caractère notoire, ne peut se prévaloir d’un monopole sur le nom. Retour sur cette affaire.

 

Prada v. The Rich Prada

 

En août 2011, une société indonésienne a présenté une demande d’enregistrement pour une marque européenne « The Rich Prada ». L’activité envisagée derrière ce dépôt est l’ouverture d’un hôtel 5 étoiles en Indonésie.

Prada estimant que cette nouvelle marque portait à confusion avec sa propre marque bien connue, a formé opposition, se basant sur plusieurs marques antérieures.

 

Principe de spécialité et notoriété

En application du principe de spécialité, le titulaire de la marque ne bénéficie d’un monopole d’exploitation que pour les produits et services désignés dans son enregistrement et faisant l’objet d’une véritable exploitation. Il ne peut a priori pas s’opposer à une marque similaire qui viserait des produits et services différents.

Mais il existe une exception : la marque notoire. En effet, le titulaire d’une marque disposant d’une grande renommée bénéficie d’une protection étendue. Il peut notamment s’opposer à un dépôt similaire, lorsque celui-ci vise à bénéficier indûment du caractère distinctif de la marque notoire.

Prada a ainsi fait valoir le caractère notoire de sa marque devant la division d’opposition.

 

Prada : une marque notoire ?

Avec plus d’un siècle d’activité – en effet, c’est en 1913 que l’artisan Mario Prada ouvre son enseigne de maroquinerie à Milan – la marque a su s’imposer dans le secteur du luxe, tout en diversifiant ses activités à travers des collections de prêt à porter, et des gammes de parfums et de maquillage.

Pour apprécier le caractère notoire de la marque, les juges utilisent la méthode du faisceau d’indices. Il s’agit d’apprécier la connaissance de la marque par un public pertinent, sur un territoire donné et à une époque déterminée.

 

Prada : la renommée sans monopole

L’appréciation de la renommée par l’EUIPO

La division d’opposition de l’EUIPO a reconnu en 2014 la renommée de la marque Prada ainsi que la similarité entre les deux signes. Elle a donc fait droit aux demandes de Prada en supprimant les services d’hôtellerie, mais elle a également autorisé l’enregistrement de la marque The Rich Prada pour des produits et services considérés comme éloignés du secteur du luxe.

Les deux parties ayant fait opposition, la chambre de recours a été amenée à se prononcer sur cette affaire en 2016 et 2017. Elle a confirmé la décision de la division d’opposition : The Rich Prada ne bénéficie de la renommée de la marque Prada (évoquant le glamour, la qualité et le prestige) que pour les produits et les services fortement liés au secteur de la mode, tels que les services de traiteur haut de gamme ou les services d’accueil. Pour les autres produits et services visés dans le dépôt, ce bénéfice indu n’est pas établi.

 

La renommée de la marque n’offre pas une protection absolue

 

Prada a alors formé un nouvel appel, rejeté par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Les juges ont estimé que le caractère notoire de la marque ne permet pas à son titulaire de bénéficier d’un monopole absolu sur le terme en question. Ils ont ainsi condamné Prada aux dépens. Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence des juges communautaires, qui accorde une place centrale au principe de spécialité.

 

Toutefois, la marque The Rich Prada ne comportant plus les services d’hôtellerie, qui constituent pourtant le cœur de son activité, il ressort que Prada n’aura pas totalement perdu son temps et son argent dans cette affaire.

Grâce à la surveillance de marque, Prada a pu défendre ses droits.


Tags

marque notoire, marque renommée


You may also like