Les classes de produits et services
Une fois la marque trouvée, et la recherche d’antériorités effectuée, il convient de rédiger un libellé. En effet, en application du principe de spécialité, la marque n’est protégée que pour les produits ou services mentionnés dans son libellé.
Afin de bénéficier d’une protection maximale, il est nécessaire que le libellé soit réaliste et adapté à la marque : il ne doit être ni trop large, ni trop étroit. Pour ce faire, il faut se familiariser avec la Classification de Nice, qui organise les produits et services dans 45 catégories différentes. Une bonne connaissance du système permet de faire de faire des dépôts juridiquement sûrs et à un coût moindre.
Le libellé : la carte d’identité de la marque
Lors d’un dépôt de marque, le titulaire doit indiquer la liste des produits et/ou services pour lesquels il souhaite une protection. Cette liste constituera le « libellé » de la marque. La rédaction du libellé est une étape cruciale pour le déposant, car cela va conditionner la vie future de sa marque.
- Un libellé trop étroit risque ainsi d’empêcher un développement futur de la marque. D’autant plus qu’il est interdit au déposant d’ajouter de nouveaux produits et services une fois le dépôt effectué.
Par exemple, une marque est déposée pour les vêtements (classe 25). Comme celle-ci se vend bien, le titulaire décide de lancer une gamme de sacs (classe 18) sous le même nom quelques années plus tard : il devra alors déposer une nouvelle marque pour protéger cette exploitation, qui n’avait pas été envisagée au départ.
- Un libellé trop large présente également des inconvénients: un coût élevé, une possibilité de rejet de la part de l’office d’enregistrement des marques, et surtout le risque de voir sa marque attaquée par des concurrents.
Comparons 2 marques : la marque A a été déposée dans 3 classes (270€ de taxes INPI), alors que la marque B a été déposée dans 10 classes (550€ de taxes). La marque A n’a pas reçu d’opposition, car son activité est bien définie. La marque B reçoit 2 oppositions de concurrents qui pensent qu’elle essaie de créer un risque de confusion pour s’approprier leur clientèle. Elle devra négocier des accords de coexistence et sans doute réduire son libellé. Elle va engager des frais pour se défendre. Après 5 ans, la marque A n’aura pas de difficulté à prouver son usage sérieux dans les classes déposées, alors que la marque B aura du mal à exploiter sa marque dans toutes les classes visées. Elle risque donc une action en déchéance pour non-usage dans les classes où la marque n’est pas exploitée.
Par ailleurs, les offices se montrent de plus en plus exigeants sur la rédaction du libellé. Ainsi, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) considère depuis 2012 qu’un libellé imprécis ne permet pas d’apprécier l’étendue de la protection demandée. Il en ressort une obligation faite aux déposants de rédiger les libellés de marque avec clarté et précision de sorte à éviter toute ambiguïté quant à la portée de la marque.
Un déposant qui reprendrait dans son libellé les intitulés des classes de produits et services, pourrait recevoir une décision d’irrégularité de la part de l’Office. A défaut de mise en conformité dans le délai mentionné, le dépôt ferait alors l’objet d’un rejet partiel d’enregistrement.
Il est donc fondamental de bien rédiger son libellé. En effet, un libellé peu clair risque d’entraîner des coûts importants, une protection restreinte, ainsi qu’un risque juridique non négligeable vis-à-vis des tiers.
La classification de Nice : les classes comme outil pratique pour préparer son libellé
Pour déposer une marque française, européenne ou internationale, il est nécessaire de se référer à la classification de Nice. Afin de faciliter le travail des offices chargés de l’enregistrement des marques, de très nombreux pays appliquent ce système international de classification, qui organise les différents produits et services en 45 catégories (les « classes »).
Les produits sont répartis dans les classes 1 à 34. Exemples :
- Classe 9 : logiciels, ordinateurs, téléphones, clefs USB, appareils scientifiques…
- Classe 14 : bijoux, montres…
- Classe 16 : livres, revues, cartes postales, stylos…
- Classe 25 : vêtements, chaussures…
Les classes 35 à 45 renvoient quant à elles à des services. Exemples :
- Classe 35 : publicité ; gestion des affaires commerciales ; ressources humaines…
- Classe 39 : transport ; organisation de voyages…
- Classe 41 formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles…
Pour chaque classe, la classification de Nice propose une liste non-exhaustive des éléments qui la composent. Un court descriptif de chaque classe est proposé sur le site de l’INPI. Des informations plus détaillées se trouvent sur le site de l’Office Mondial de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
Cette classification ayant été instituée en vertu de l’Arrangement de Nice en 1957, on lui reproche souvent de ne pas être très actuelle. Elle fait toutefois l’objet d’une révision constante, afin de rester à jour, en intégrant notamment de nouveaux produits et services qui n’avaient pas été envisagés auparavant (rappelons qu’internet et les téléphones portables n’existaient pas dans les années 1950!). La 12ème édition est ainsi entrée en vigueur le 1er janvier 2023.
Cette évolution n’étant pas très régulière, il existe des classes ciblées (comme la classe 33 qui ne comprend que les boissons alcoolisées), alors que d’autres pourraient être qualifiées de « fourre-tout » (la classe 45 comporte toute une gamme de services très variés : du conseil juridique à l’établissement d’horoscopes, en passant par la garde d’enfants et les services de pompes funèbres).
En outre, il peut également arriver qu’un produit ou un service ne soit pas expressément nommé, soit en raison de sa spécificité ou en raison de sa nouveauté : dans ce cas, il s’agira de le faire entrer dans une catégorie en fonction de son type, de sa nature ou de sa destination. Par exemple, un objet d’art en bois ira en classe 20, s’il est en métal il ira en classe 6, s’il est en verre en classe 21… C’est une étape complexe, car certains offices peuvent rejeter la demande d’enregistrement lorsqu’ils estiment que le produit ou service concerné n’appartient pas à la bonne classe.
3 étapes pour faire son libellé de marque
1° Définir les produits et/ou services
La première étape consiste à identifier ses besoins : il faut avant tout définir les produits et services qui vont être proposés au public.
Il faut également se ménager la possibilité d’étendre son champ d’action. Il convient donc d’envisager les conditions du développement futur de la marque.
Par exemple, si vous fabriquez des chaussures aujourd’hui, il est possible que vous décidiez de proposer d’autres produits (comme des sacs) dans quelques années.
Mais il ne faut pas non plus voir trop large : soyez réaliste. Vous pourriez être tenté de revendiquer une vaste gamme de produits et/ou services, mais cela présente des coûts plus élevés. En outre, si vous n’utilisez pas votre marque pour tous les produits et services demandés, elle ne pourra pas être défendue face à des concurrents.
2° Identifier les classes correspondantes
Lors de la deuxième étape, vous devrez identifier les classes correspondant à vos besoins, c’est-à-dire faire correspondre la liste établie dans l’étape précédente avec la classification de Nice. Cette étape a un impact sur le montant des redevances que vous devrez payer à l’office d’enregistrement :
- En France, le dépôt d’une marque en 1 classe coûte 190 €. Chaque classe supplémentaire est à 40 €.
- En Europe, la 1ère classe coût 850 € et la 2ème est proposée à un prix réduit (50 €). A partir de la 3ème classe, les coûts sont plus élevés (150 € / classe supplémentaire).
3° Rédiger le libellé
Enfin, la dernière étape est la rédaction à proprement parler du libellé. Celui-ci doit être suffisamment précis, pour répondre aux exigences posées par la CJUE. Mais il faut également qu’il comporte les formules usuelles dans la matière, pour ne pas retarder inutilement la procédure. En effet, une marque dont le libellé n’est pas rédigé dans les règles de l’art a de fortes chances de recevoir une notification de l’examinateur demandant des précisions ou des modifications du libellé. Cela peut retarder considérablement l’enregistrement de votre marque.
Mais, comme nous vous le signalons dans un autre article, il faut absolument éviter les libellés pré-rédigés proposés par l’INPI. Ceux-ci ne vous protègeront pas efficacement!
Le choix des classes et la rédaction de libellé constituant souvent des étapes stratégiques et complexes, il est fortement conseillé de faire appel à un Conseil en Propriété Intellectuelle, habitué des règles de classification et rompu aux usages rédactionnels.
MàJ: 3 janvier 2023