Petite histoire des marques (2) : la loi de 1857 et la consécration de l’usage
Dans un 1er volet sur l’histoire des marques, nous vous avions raconté l’apparition du droit des marques. Les premières marques remontent à l’Antiquité, lorsque les marchands apposaient des signes sur leurs produits pour se distinguer des concurrents. Cependant, les premiers aspects juridiques des marques datent du Moyen-Age.
Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur la loi du 23 juin 1857. Il s’agit en effet du texte fondateur en France du droit des marques. Cette loi est restée en vigueur pendant plus d’un siècle, avant d’être abrogée par la loi de 1964, qui a affirmé que le dépôt de marque pouvait seul constituer un droit.
La loi de 1857 : l’alternative entre usage ou dépôt de marque
Dans les années 1850, la France est à nouveau une puissance impériale (avec le Second Empire de Napoléon III). Ces années sont également marquées par une expansion très forte du commerce mondial. Si les inventeurs sont déjà protégés depuis la loi sur les brevets de 1844, ce n’est pas le cas des commerçants. Avec le développement des échanges commerciaux, il devient urgent de légiférer en matière de marques. La loi de 1857 est donc adoptée.
Selon ce texte, une marque peut revêtir plusieurs formes : il peut s’agir d’une dénomination, un emblème ou tout autre signe distinctif. La particularité du texte tient à l’acquisition du droit sur la marque. Le titulaire de la marque peut être celui qui l’utilise le premier ou celui qui la dépose en premier (principe du « 1er arrivé, 1er servi »). Etonnamment, une fois la marque déposée, il n’y a pas d’obligation d’usage de celle-ci.
Le dépôt, qui coûte 1 Franc en 1858, est valable pour quinze ans, renouvelable indéfiniment.
Les modalités du dépôt de marque auprès du greffier
Pour déposer sa marque, le titulaire doit s’adresser au greffe du tribunal de commerce de son domicile. Le dépôt s’effectue avec deux exemplaires identiques du modèle de sa marque sur papier libre. Le greffier vérifie les conditions de forme (« la régularité du dépôt »). Il n’apprécie pas le caractère de la marque. Ainsi, si le déposant protège une invention avec un dépôt de marque (au lieu de déposer un brevet), le dépôt pourra être accepté, mais ne produira pas d’effet.
Parmi les 2 exemplaires du dépôt, l’un est consigné au greffe. L’autre est envoyé au Conservatoire des Arts et Métiers, qui le tiendra à disposition du public.
L’utilité du dépôt sous la loi de 1857
La loi de 1857 prévoit donc que la propriété de la marque est obtenue par l’usage. Ainsi, il est possible de s’opposer à l’enregistrement d’une marque déposée, en prouvant une utilisation antérieure au dépôt.
Mais il convient de noter que si le dépôt n’est que « déclaratif », il présente plusieurs avantages. Le dépôt permet au titulaire de la marque d’ouvrir une action en contrefaçon ou en concurrence déloyale. Il constitue une preuve irréfutable de l’existence du droit. Une fois la marque déposée, les tiers ne peuvent pas l’utiliser. A défaut, ils se rendent coupables de contrefaçon ou d’imitation. Les tribunaux prononcent des peines très élevées à l’encontre des contrefacteurs (emprisonnements et amendes allant jusqu’à 3000 francs). Les imitateurs peuvent également être condamnés, mais les peines sont moins lourdes.
Comme vous avez pu le voir, la loi de 1857 était une première étape dans le droit des marques, en consacrant à la fois l’usage de la marque, tout en offrant des avantages au déposant. Le système était d’ailleurs stable, puisqu’il est resté en place plus de 100 ans. Avec la loi de 1964, c’est le principe du dépôt qui est consacré. Seul le dépôt de marque peut attribuer un droit de propriété. Le législateur permet toutefois aux propriétaires de marques d’usage de bénéficier d’un délai de 5 ans pour procéder aux dépôts de marques.
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